Confession d’un clown d’un jour.

Il est quatre heures, ce samedi 21 septembre 1996 ; c’est le deuxième marché annuel et nocturne de Beersel.

Petit à petit, les rues s’animent et les gens déambulent parmi les échoppes. Le PAC-Beersel a choisi de participer à cette animation en exposant des cartes postales anciennes sur le thème de Beersel et d’organiser un concours de ballonnets.

Préposé à la vente de ces ballonnets, je suis déguisé en clown.
Mon premier client accourt vers moi :
-« Je peux avoir un ballon, Monsieur le Clown ? »
La maman suit la scène un peu à l’écart et je suis donc obligé d’expliquer à l’enfant qu’il s’agit d’un concours et qu’il faut payer pour avoir un de mes beaux ballons rouges. La maman rappelle son enfant, tourne les talons et l’emmène plus loin.

Une autre maman s’approche avec son landau ; le petit enfant qui y est installé est émerveillé à la vue des mes beaux ballons.
-« Combien coûtent vos ballons ? »
–  » Soixante francs, Madame, mais il s’agit d’un concours, avec de nombreux prix à gagner et bla bla bla …. »
–  » Mais je voudrais l’emporter, ne pas le lâcher, puis-je en obtenir un avec le concours et un autre à conserver ? »
Dérogeant à mes premières instructions, je vends le tout pour cent francs et tends le ballon au bébé qui rayonne de joie.

Arrive une fillette toute souriante à la vue de mon visage coloré et me pose la même demande déchirante :
– » Mag ik een ballonnetje hebben alstublieft, Mijnheer de Clown ? »
Mon cœur se serre et la larme que j’avais dessinée sur mon visage est prête à éclater en de véritables sanglots. Et d’expliquer, péniblement dans ce néerlandais que je maîtrise à peine, qu’elle ne peut recevoir ce ballon sans débourser quelque monnaie. Elle baisse les yeux et se détourne de ce clown pas très sympathique.

C’en est trop ! Je ne suis pas à la hauteur pour ce travail ingrat ; il m’est impossible de supporter le regard dépité de ces enfants. Une rapide consultation des membres de l’équipe du PAC-Beersel et une nouvelle décision est prise : les ballons seront gratuits ; seule la participation au concours sera maintenue.

C’est avec soulagement que je reprends mon poste et bientôt, je suis entouré d’une foule de bambins, ébahis par la magie de ces ballons qui se gonflent presque par enchantement ou surpris par mon accoutrement.
-« Dit, Monsieur le Clown, comment tu t’appelles ? » ,
– » Oh ! Tu as vu, il s’est trompé quand il a mis ses chaussures !!! « 
… En un rien de temps, c’est une véritable nuée de nos beaux ballons rouges qui se promènent dans les rues de Beersel en même temps que s’envolent des dizaines de cartons avec l’espoir du plus long voyage.

Que de joie pour ces enfants, mais aussi quelle expérience pour moi, ce clown d’occasion ! Et quels contacts aussi avec ces parents, aussi bien francophones que néerlandophones, tous étonnés de la simple présence d’une association culturelle francophone sur ce marché, dans une commune sans facilités.
« Mais oui Madame, … Ja, ja Mevrouw… c’est absolument réalisable et sans problèmes entre gens de bonne volonté. »

Pour terminer mon petit mot, je voudrais encore présenter mes excuses à mes trois premiers petits clients, à leurs parents et leur assurer que plus jamais, je ne serais ce drôle de clown d’opérette qui refuse de donner des ballons aux enfants.

Denis MEUNIER

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